Ce mois-ci, j’ai fêté mes 27 ans. J’ai eu cette jolie sensation de me dire que ça fait (presque) 10 ans que j’ai eu mon bac. Et aujourd’hui, j’ai réalisé qu’en 10 ans, il n’y a pas eu une année identique à une autre.

Chaque année, j’ai fait quelque chose de différent. Il y a 10 ans, je passais mon bac, et depuis, j’ai ce que les recruteurs voient comme un parcours atypique, différent d’un parcours habituel. Mais en 2017, qu’est-ce qu’un parcours habituel ? Est-ce qu’on ne serait pas tous dans la catégorie des “atypiques” ?

Aujourd’hui, quand on me demande ce que je fais, je ne suis pas toujours sûre de savoir quoi répondre. Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette sensation : de vivre différentes expériences, scolaires, professionnelles, humaines, et de ne pas arriver à choisir un métier qui vous définit aux yeux de la société.

Attendez, retour en arrière, je pose le contexte. Bac en poche, je suis partie d’Alsace pour aller faire du tourisme à Cannes. Sur le papier c’était bien, j’étais pleine de bonne volonté, prête à apprendre et travailler. Je découvrais l’ivresse que procure l’indépendance. Finalement, je n’ai pas trouvé d’employeur pour me prendre en alternance. Les entreprises parlaient de mon manque d’expérience, certaines ne prenaient même pas le temps de me répondre. Au bout de 4 mois, je suis rentrée bredouille chez mes parents.

C’était ma première confrontation avec le monde professionnel, un échec cuisant. Je suis rentrée frustrée, déçue. J’étais en colère à cause de cette histoire de manque d’expérience. Bien sûr que je n’avais pas d’expérience, je sortais du lycée !

Pour m’occuper en attendant la rentrée, j’ai travaillé dans un magasin de chaussures en Allemagne. J’ai profité de ces quelques mois pour imaginer ce que j’avais envie de faire, de comparer les formations et les écoles. Je me suis retrouvée à la fac de Montpellier, en licence information-communication. Pendant un an j’ai étudié la théorie, ça me plaisait. L’été est arrivé, et j’ai décidé de faire un stage pour avoir cette expérience dont je ne connaissais rien. Je suis partie dans une start-up à Paris. C’était novateur et j’ai découvert Internet, son fonctionnement, son langage et ses outils. Après 3 mois de stage, j’ai accepté le CDI qui m’était proposé. J’ai beaucoup hésité à faire cette pause dans mes études. Mais à 20 ans, je voulais apprendre et évoluer avec l’entreprise. Je voulais de l’expérience. Je suis restée à Paris, et pendant plus d’un an, j’ai acquis de nouveaux savoir-faire et développé mes compétences.

Je suis ensuite retournée à l’école. HETIC, une école de l’Internet. Les 3 premières années, j’y ai appris le marketing, le développement, le design. J’ai été responsable événements de l’association étudiante, me suis impliquée dans la vie de l’école, on a créé le séminaire UVDE, j’ai participé à des hackathons, des concours. Chaque année j’ai fait des stages différents. Et je suis devenue Présidente de la Junior-Entreprise de l’école. On était 11 à gérer l’association bénévolement. J’ai adoré l’expérience, et en 2014 j’ai décidé de faire une année de césure. De mettre une nouvelle fois mes études entre parenthèses. J’ai été élue Présidente de la Confédération Nationale des Junior-Entreprises pour un mandat d’un an. Enfin, en 2016, je suis retournée à HETIC, pour une dernière année de formation en alternance. J’ai travaillé pour un grand groupe de conseil, terminé mes projets, et présenté ma soutenance de fin d’études.

Puis, je suis partie en voyage.Avec une copine on a décidé de traverser le continent de Paris jusqu’en Asie, sans prendre l’avion. En 6 mois, on a traversé l’Europe, pris le transsibérien, acheté des motos, vadrouillé en Asie. On a découvert des paysages et visité des endroits incroyables, rencontré des gens formidables.

Je suis heureuse de ce que j’ai fait. Je suis fière d’avoir dépassé mes limites, d’avoir relevé des défis. Aujourd’hui, je crée mon entreprise, je suis consultante en gestion de projet et communication digitale.

Et pourtant, je ne suis pas à l’aise quand je dis que je créé mon entreprise. Je dis que “je me lance”, “je deviens indépendante”, je “fais du free”. Je m’explique sur mes choix. Je suis ce qu’on appelle une slasheur, project manager, product developer, communicante, spécialiste de la communication digitale, de la transition numérique, consultante polyvalente. Tous ces mots qui en fait, essayent de rattacher quelqu’un à une catégorie. Des mots que souvent je ne comprends même plus.

Ça fait 10 ans que je n’arrive pas à mettre d’étiquette sur ce que je veux faire. Je ne colle pas à une catégorie en particulier.

Depuis que je suis petite, je change régulièrement de projet professionnel : maîtresse, avocate, professeure d’anglais, hôtelière… Je me suis demandée si j’avais un problème. Un problème d’attention, d’arriver à faire des choix, de prendre des décisions et de m’y tenir. Ou si, comme je l’ai souvent entendu, c’était quelque chose de générationnel ?

Je lis souvent que ma génération est incapable de s’attachertrop indépendantefrivolevoyageuse… Je pense que c’est une conception de la vie qui correspond à toutes les générations. Toutes les générations ont été plus entreprenantes, plus rêveuses, plus engagées que les précédentes.

C’est ce qui fait avancer la société. On apprend du passé, on développe de nouvelles technologies, de nouveaux outils. On démocratise l’accès au savoir, certaines choses sont plus accessibles, comme les voyages. Chaque génération confronte la suivante. Quand on aime pas le changement, on critique la génération qui arrive. C’est ce qu’on appelle le conservatisme.

Et quand on a peur du changement, on essaye de s’accrocher à ce qu’on connaît, ce qu’on peut définir et ce qui est stable. La société a besoin de mettre des étiquettes sur ce qu’on fait, ce qu’on est. On a besoin de catégoriser, c’est rassurant. Depuis toujours, j’entends cette phrase : “Qu’est-ce que tu veux faire plus tard, qu’est-ce que tu vas devenir ?” Comme si je devais choisir une seule chose, comme si ma vie allait être déterminée par ce que j’allais dire à cet instant. J’avais très peur de choisir, de m’enfermer dans un rôle. Dès que j’en ai eu la possibilité, j’ai étudié différentes choses. Et toujours, on me demandait, “en quoi tu vas te spécialiser ? Qu’est-ce que tu vas faire après le diplôme ?” Quelle question ! Je n’en savais rien. Moi j’avais envie de toucher à tout. Alors on m’a dit que je ne pouvais pas être spécialiste si je touchais à tout. Je me suis mise à douter, de mes capacités, de mon projet d’entreprise. Comment de parfaits inconnus pourraient me faire confiance pour mener leurs projets, si je ne peux pas me glisser dans une catégorie ?

Et voilà que je me suis finalement demandé comment je pouvais me prétendre consultante indépendante. Comment est-ce que je pouvais prétendre être spécialiste de quelque chose tout en étant polyvalente ?

Parce que mon expérience fait ma force. Je n’ai pas d’étiquette, c’est tout. Je fais de la communication et de la gestion de projet. Les interactions, les méthodologies que j’ai pu pratiquer, les équipes avec lesquelles j’ai travaillé, la rigueur et l’organisation, les bonnes histoires et les mauvais pas, les déceptions et les victoires. Je tire de toutes ces expériences des leviers communs : je suis experte en communication digitale. Je suis passionnée, et dès qu’un sujet me passionne, je l’analyse de fond en comble. Je teste, j’échoue, j’apprends, je recommence. Je suis polyvalente, tout en mesurant les tenants et les aboutissants, les enjeux et les priorités de chaque projet.

Aujourd’hui, j’ai 27 ans, je suis indépendante, polyvalente et passionnée.

Article originellement publié sur Medium le 30 octobre 2017.

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